SAINT-CLAUDE, le village fantôme


Lorsque l’on regarde la carte1 de Mercator (1585), on voit un village nommé St-Claude à la limite des 3 territoires actuels de Drouville, Gellenoncourt et Haraucourt. A l’époque, ce secteur est sous la tutelle de la Prévôté d’Einville. Celle-ci a laissé de nombreuses archives. Aucune ne fait mention d’un village à cet endroit. Cruel dilemme donc, puisque ces deux sources contradictoires (Mercator et Prévoté d’Einville) font références dans le domaine historique.

On trouve également ce village fantôme sur deux autres cartes de l’époque : Sanson d’ABBEVILLE et NOLIN ; mais ces 2 cartes reproduisent également les erreurs de la carte de Mercator. Il s'agit probablement de copies.
En revanche, St-Claude n’existe plus sur la carte de CASSINI, au début du 18e siècle, pas plus que sur la carte des NAUDIN.

LEPAGE, dans le dictionnaire topographique de la Meurthe indique que Haraucourt s’est appelé Saint-Claude. Il se base vraisemblablement sur les cartes mentionnées plus haut pour affirmer cela.

Dom CALMET, le célèbre historien lorrain, reproduit une charte de 1436 dans laquelle Robert des ARMOISES et sa femme2, se disent propriétaires d’un quart de la seigneurie de Haraucourt. On sait par ailleurs que l’épouse de Robert des ARMOISES réussit à se faire passer pour Jeanne d’Arc, après la mort officielle de celle-ci. L’usurpatrice se prénommait en réalité Claude.

En 1910, E. CHATTON dans le bulletin mensuel de la Société d'archéologie lorraine et du Musée historique lorrain ajoute encore un peu plus de trouble à cette affaire. Il suggère que Haraucourt aurait porté le nom de Claude par dérision, afin de se moquer  de sa propriétaire, l’épouse de Robert des ARMOISES ! En réalité, tout cela n’a guère de sens puisque aucun document fiable ne conforte ces affirmations. LEPAGE s’appuie sur la carte de Mercator qui mentionne St-Claude et « oublie » Haraucourt. L’ennui, c’est que cette carte comprend d’autres erreurs sur les noms de villages ou sur leurs emplacements. Elle n’est donc pas suffisamment fiable.

Jusque là, on était tenté de croire que St-Claude était une légende née de l’erreur d’un cartographe, comme le conclut le livre de l’histoire de Haraucourt. Seulement, un élément nouveau vient de nous parvenir. Un ancien agriculteur signale que des traces incontestables d’une construction ont été mises à jour à cet endroit par la charrue. Il s’agit principalement de morceaux de tuiles de forme relativement moderne qui n’ont rien à voir avec les tuiles gallo-romaines.
Ces éléments nouveaux ont au moins un intérêt : ils attestent l’existence de constructions à cet endroit et invalident du même coup la thèse de LEPAGE : St-Claude et Haraucourt sont bel et bien distincts !

S’agit-il pour autant d’un village ou d’un hameau ? C’est peu probable. Tous les villages lorrains sont mentionnés dans les archives à partir des 10e-12e siècles, ce qui n’est pas le cas de St-Claude. De part sa situation géographique, sur le territoire de Gellenoncourt, à la croisée des chemins Haraucourt-Drouville et Gellenoncourt-Crévic, il s’agit plus vraisemblablement d’une ferme champêtre détruite ou abandonnée pendant la guerre de Trente ans (1618-1648).

(1) Lotharingia ducatus (Duché de Lorraine) par Gérard MERCATOR (1512-1594). L’auteur est à la cartographie moderne ce qu’Ambroise PARÉ est à la chirurgie. Il a produit de très nombreuses cartes. Malgré les grandes qualités de cet homme, ses cartes n’ont pas la précision et la rigueur des documents actuels.

(2) Claude, épouse de Robert Des ARMOISES, qui prétend se nommer Jehanne de LYS, pucelle de France, s’est fait passer pour Jeanne D’ARC. Elle est à l’origine de bien des polémiques alimentées par des pseudo-historiens qui prétendent que ce n’est pas la Pucelle d’Orléans qui est montée sur le bûché ce 30 mai 1431.
Il en est ainsi des héros populaires ! Louis XVII aurait survécu et donné une nombreuse descendance. Napoléon Ier a été vu 15 ans après sa mort officielle ! Si Zidane venait à disparaître rapidement, gageons qu’il subirait le même sort post-mortem !




Responsable de la publication: Christian HERBÉ
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